350 kilomètres pour une vielle rouille

Publié le par Peleran

 

Mercredi 19 octobre 2011 :

 

          Nous sommes réveillés de bonheur, dans les environs de huit heure par les premiers passages dans le hall. Dès que nous voyons les habitants du bâtiment surgir de l'ascenseur, nous savons qu'il est temps de partir si on veut éviter les problèmes. Nous bougeons donc rapidement des sacs de couchage, replions notre matériel en vitesse et rechargeons le tout sur les vélos. En une dizaine de minutes, nous sommes debout et motivés. Nous commençons la journée par un frugal petit déjeuner accompagné par une mise au point sur l'itinéraire que nous allons suivre. Ayant étudié la carte une bonne partie de la nuit, j'ai déniché un chemin à suivre : il nous faut attraper un canal au sud ouest de Bruxelles que j'ai remarqué sur mon plan, et le suivre le plus longtemps possible, car il file en direction du sud-ouest. Nous pourrions alors entrer en France au niveau de Valenciennes, puis filer vers Paris. Fred est d'accord, mais il ajoute qu'il ne sait pas lire une carte, donc qu'il me fait tout à fait confiance. « Je te suis fieu ! » Me dit-il avec ces expressions empruntées au Belges. Nous grimpons sur les bécanes et partons à la recherche de ce fameux canal. Nous suivons la direction dans lequel j'espère le trouver, qui soudain finit par une bonne descente. Je trouve le canal tout en bas, mais j'ai la mauvaise surprise de voir que Fred n'est déjà plus dans mon dos. Je le remarque en haut de la côte, poussant son vélo le long du trottoir. Le temps qu'il descendre la côte, il vient m'annoncer qu'il a déjà crevé une roue. Allez premiers soucis ! Son pneu arrière est dans un état lamentable, complètement lisse et usé jusqu'à la corde. La roue est en plus impossible à sortir avec mes outils habituels. Nous allons donc frapper dans un garage de voitures heureusement tout proche pour leur emprunter des clés, et en 10 minutes, je lui répare la roue. Je demande au passage aux mécaniciens si c'est bien le canal allant vers Halle. L'info est confirmée, et nous voilà repartis.

 

            Nous empruntons alors le chemin de hallage du canal, transformé en piste cyclable, avec parfois des sections de route. Nous roulons ainsi, une quinzaine de kilomètres, respirant alors enfin la campagne belge. Le temps est plutôt éclairci en ce début de journée, le soleil nous réchauffe de manière très agréable. L'automne s'installe sur la région, les différentes teintes rouge jaune et orangées des arbres donnent de belles couleurs au paysage. Je roule tranquillement sur le canal, observant les environs avec ma musique sur les oreilles alors que Fred galère loin derrière moi. Il a beaucoup de mal à avancer sur son vélo. Celui-ci est équipé d'un dérailleur interne qui a de gros soucis. On ne peut pas changer les vitesses et il faut donc pédaler comme un dératé pour avancer un minimum. Lorsque-il est vraiment trop loin, où que j'arrive à un embranchement, je m'arrête pour l'attendre un peu. Mais vers 10 heure et demi, Fred se fait attendre plus que prévu. Pour cause : sa roue a encore une fois crevée. Je reviens à sa rencontre et le trouve poussant à nouveau son vélo. Hélas, nous sommes cette-fois ci en pleine campagne et il n'y a pas l'ombre d'un mécano dans les environs. Il nous faudrait d'ailleurs carrément un magasin de vélo afin d'y trouver un nouveau pneu et une chambre à air.

 

Nous marchons une heure durant le long du canal. N'ayant pas ce carte de la Belgique, je ne sais pas du tout où nous sommes. Au bout de cinq kilomètres, nous croisons un cycliste venant à contre sens qui nous annonce la présence d'une commune à quelques kilomètres, avec un magasin de cycles. Quel chance ! Une demi-heure après, nous nous pointons au magasin qui n'allait pas tarder à fermer. Nous avons alors assez pour acheter la chambre à air, mais il nous manque une quinzaine d'euros pour la roue. Le vendeur nous annonce qu'il ne réouvrira pas avant deux heures et demi. Il est à peine midi, nous avons donc plus de deux heures pour trouver l'argent. Fred part alors s'asseoir avec un gobelet devant une supérette, et moi à une centaine de mètres sur une murette ensoleillée pour y jouer de l'accordéon. Hélas, le bourg n'est pas très animé, et presque personne ne passe. Je gagne un euro en une heure. La déception ! Je décide alors de lâcher mon instrument et d'aller tchatcher les passants. Comme il n'y a pas grand monde qui passe, et que ce ne sont pas des citadins pressés, j'ai le temps de parler tranquillement avec les gens que j'accoste. Bien sûr, certains me jettent d'emblée, mais beaucoup acceptent de discuter. Je leur explique donc notre problème, et leur demande pour finir si ils pourraient nous aider. Il en est qui me demandent pardon de ne rien avoir pris sur eux, d'autres me conseillent de rester chez moi la prochaine fois, et beaucoup mettent la main à la poche et me dépannent d'une pièce ou deux. Ainsi, par la générosité belge, j'arrive à rassembler une vingtaine d'euros en une heure de plus. Fred lui a réussi à en gagner cinq en restant assis à tendre un gobelet. Comme je lui demande pourquoi il n'a pas fait le geste d'aller voir les gens, il m'avoue que c'est une action plutôt compliquée pour lui sans une bière ou deux dans le nez...

 

              Quelques pièces de l'argent récolté nous sert à combler la faim qui nous tiraillait. Lorsque enfin le vendeur revient, nous lui prenons le pneu pour lequel il nous offre aimablement une remise. Nous lui empruntons des outils pour changer la roue, et une fois que celle-ci est remontée, le vendeur nous offre un café. Nous le buvons avec lui en discutant de notre voyage et de nos motivations, puis le remercions beaucoup avant de reprendre la route. Nous reprenons le chemin de hallage, le suivant des kilomètres durant. Alors que Fred est à nouveau loin derrière moi, je l’aperçois au loin discutant avec un autre cycliste. Lorsque-ils me rattrapent, l'inconnu se présente et se montre très intéressé par notre voyage. C'est un habitant du coin, ayant l'habitude de grimper sur sa selle pour aller explorer les terres environnantes des heures durant. Je le questionne donc pour afin qu'il nous éclaire sur notre itinéraire imprécis. Il nous explique alors que le canal continue sur des dizaines de kilomètres, allant à Mons, puis encore jusqu'à la frontière. Parfait ! Mais il faut ne pas se perdre au niveau de la grande écluse, car il y a tout un labyrinthe de canaux secondaires. Pour nous aider, le cycliste décide de nous accompagner jusqu'à là bas. Nous repartons donc tout les trois, débattant du cyclisme, de la vie, de tout, des kilomètres durant. Au passage, la nouvelle rencontre constate des défauts dans la façon de pédaler de mon compagnon. Il explique donc à Fred différentes choses sur la manière de manier son vélo, du rythme à avoir pour ne pas se fatiguer quand on fait de longues distances, et tout la science qu'il a tiré de ses millions de coups de pédale. La pluie nous attrape au cours du chemin, et nous trempe jusqu'aux os. Arrivé à cette fameuse écluse dont il nous parlait tant, et qui est vraiment immense, l'homme nous quitte. En partant, il nous donne encore deux ou trois conseils de plus, puis nous laisse en nous souhaitant bonne chance. Nous continuons alors à rouler le long de ce canal sous une averse qui s'adoucit. Fred mouline toujours pendant que je roule tranquillement devant, la discographie de Brel dans les oreilles.

 

 

Le Plat Pays

 

Avec la mer du nord pour dernier terrain vague
Et des vagues de dunes pour arrêter le vagues
Et de vagues rochers que les marées dépassent
Et qui ont à jamais le coeur à marée basse,
Avec infiniment de brumes à venir,
Avec le vent de l'Est, écoutez-le tenir,
Le plat pays qui est le mien.

Avec des cathédrales pour uniques montagnes
Et de noirs clochers comme mats de Cocagne,
Où des diables en pierre décrochent les nuages
Avec le fil des jours pour unique voyage
Et des chemins de pluie pour unique bonsoir,
Avec le vent d'Ouest, écoutez-le vouloir,
Le plat pays qui est le mien.

Avec un ciel si bas qu'un canal s'est perdu,
Avec un ciel si bas qu'il fait l'humilité,
Avec un ciel si gris qu'un canal s'est tendu,
Avec un ciel si gris qu'il faut lui pardonner;
Avec le vent du Nord qui vient s'écarteler,
Avec le vent du Nord, écoutez-le craquer
Le plat pays qui est le mien.

Avec de l'Italie qui descendrait l'Escaut,
Avec Frida la blonde quand elle devient Margot;
Quand les fils de Novembre nous reviennent en Mai,
Quand la plaine est fumante et tremble sous Juillet,
Quand le vent est au rire, quand le vent est au blé,
Quand le vent est au Sud, écoutez-le chanter,
Le plat pays qui est le mien.

 

 

Jacques Brel                     

 

 

              Le temps s'est radoucit. Nous avons laissés au nord les gros nuages gris, et à présent, nous roulons sous un ciel plein d'éclaircies. Celle-ci laissent passer les rayons du soleil qui viennent sécher notre tenue trempée. Le canal file à présent en direction du sud ouest. C'est vraiment la direction parfaite en cette fin de journée, l'astre du jour droit devant nous étant comme un avenir radieux vers lequel nous roulons sur des lieux et des lieux. Autour de nous, nous distinguons quelques variations dans le pays, quelques bâtiments agricoles, les cheminées d'une usine, au loin. Mis à part cela, les paysage est très campagnard, avec des champs un peu partout, des forêts, et quelques hameaux disséminés. En fin d'après midi, la faim nous tenaille, autant Fred que moi. Nous nous arrêtons dans un bourg où nous parvenons à nous dégoter quelques pièces. Petit tour à la supérette du coin, et nous voilà à engloutir des gauffres bien sucrées à l'entrée. Un type local vient nous parler deux minutes, interpellé par nos bécanes. Les quelques sucreries sont un vrai bonheur pour nos estomacs affamés. Une fois repus, nous regagnons le canal, reprenant la route du sud.

 

               Le soleil se couche, embrasant le ciel droit devant nous. Nous roulons toujours sur notre chemin de hallage. De grands arbres bien alignés bordent la route, avec des belles couleurs d'automne. Lorsque nous arrivons à Mons, la nuit tombe à peine. Nous regagnons la chaussée goudronnée pour entrer dans la ville. C'est à ce moment là que la rouille servant de bécane à Fred lâche à nouveau. Le dérailleur interne de la roue vient de casser et frotte contre le noyeu. Il est impossible pour lui de pédaler. Nouss mettons pied à terre et entrons dans le centre par une rue en travaux, tenant nos vélos par le guidon. Me vient alors l'image de deux cows boys plein de poussière arrivant au saloon en tenant leur cheval par la bride, gros cliché du film de western. D'ailleurs, c'est un peu ce que nous faisons car nous ne mettons pas longtemps avant d'aller boire une mousse. Petite clope juste avant sur la grande place de l'hôtel de ville, très illuminée, avec des bancs très originaux. Nous trinquons donc ensuite dans un petit bar à cette première journée, où nous avons roulés tout de même 70 bornes. Nous causons un temps tout les deux, faisant le point sur ce début d'aventure, mais nous ne mettons pas longtemps avant d'interpeller tout le comptoir en demandant des conseils pour dormir. Il est toujours bon d'aller chercher un peu la providence si on a vraiment besoin. Hors là, nous cherchons vraiment un hébergement, ou du moins un coin ou dormir tranquille, voir mieux si possible. Hélas, personne ici n'a d'idée pour nous abriter. On nous conseil d'aller dormir à la gare, dans une office de banque, ou du genre. Nous ne sommes pas fan de l'idée, ne connaissant pas la zone du coin. Nous discutons tout de même un moment avec des clients et le patron du bar, parlant toujours du voyage et de nos motivations pour nous rendre à Athènes. Le mec de la pause gauffres nous avait dépanné un peu d'argent, mais une rencontre nous offre nos verres. Une autre les fait remettre à niveau. Le patron du bar m'offre même discrètement un billet. Nous passons une bonne heure dans le bistrot, puis nous saluons tout le comptoir et regagnons la rue. Il nous faut trouver un coin où dormir, alors autant demander. Nous interrogeons donc pas mal d'étudiants faisant la fête, demandant à tous si ils connaissaient un bout de canap libre. Je ne sais plus pourquoi nous avions décidés de dormir dans le centre, plutôt que de rester à camper au dehors de Mons. Durant une bonne demi-heure, nous abordons toutes les têtes qui nous chantent, mais c'est toujours un refus que nous prenons dans les dents. Nous partons alors nous asseoir sur les marches d'une petite place avec quelques bars aux alentours. Nous finissons la soirée par un cône accompagné de deux bonnes bières belges que Fred tenait à me faire goûter. Une petite épicerie lui a permis de les dégoter pas très cher. Nous tombons doucement les canettes en squattant les marches une éternité. Nous observons les jeunes de sortie, les passants, nous parlons de milles choses. Parfois, une tête me revient et je l'abborde pour lui demander l'hospitalité. Je repars chaque fois m'asseoir déçu. Vers une heure du matin nous décidons d'aller nous trouver un coin où dormir dans les alentours. Nous repartons par où nous sommes entrés, ressortant du centre, en direction du canal. Heureusement, nous n'avons pas à chercher loin notre bivouac, un arbre au feuillage très dense accepte volontiers de nous héberger. Notre hôte végétal n'est pas loin du trottoir, à côté d'une grille, avec le tronc entouré de buissons. Nous passons donc sous les branches et accrochons nos vélos aux barreaux. Ceux-ci sécurisés, nous tirons la bâche au dessus de nos têtes et nous installons en dessous. Nous sommes alors quasiment invisibles de la route ou des passants. Niquel ! Merci grande écorce ! Nous nous souhaitons une bonne nuit pleine de repos avant de nous endormir.

 

 

Jeudi 20 octobre 2011 :

 

           Sentir le soleil se lever et réchauffer l'air est un vrai bonheur ! La nuit a été plutôt froide, j'ai eu du mal à dormir ainsi à l'arrache. La chaleur du matin me berce bien mieux, et malgré le ronronnement de la circulation toute proche, je dors plusieurs heures de plus. Lorsque j'entends que Fred commence à s'activer, je jette à coup d'oeil à mon portable. Onze heures ! Il est plus que temps de se bouger ! Nous replions le bivouac en vitesse, et sortons des buissons sous le regard interloqué de l'abris bus d'en face. Hélas, Fred me fait remarque que son dérailleur est toujours pété. Raahh ! Décidément, ce vélo porte vraiment la poisse ! Heureusement, nous trouvons un garage sur le chemin, à qui nous empruntons des outils. Je sors la roue et ne trouve pas d'autre solutions que de virer le dérailleur. Réparation de fortune, si ça ne marche pas, c'est que ça sert à rien ! La roue remontée, Fred m'annonce que c'est beaucoup mieux, et qu'il peut même rouler à allure normale. Parfait ! Nous remercions les mécanos et reprenons le canal.

 

          Aujourd'hui, la journée est plutôt belle. Le ciel est tout blanc, sans non plus être menaçant. C'est ce que j'appelle une journée sans horaires, car on ne voit pas tourner le soleil. Le monde garde la même luminosité, du matin au soir et ne vous donne aucune notion du temps. J'apprécie beaucoup ce genre de journées : elles sont douce, calme, pas trop chaudes, ni humides. Il fait jour et rien de plus. Un temps parfait pour longer un canal. La Belgique continue de défiler au rythme de nos coups de pédale, nous présentant de loin ses bourgs, ses champs, ses usines, sa vie. Nous croisons durant la journée un piquet de grévistes occupant leur usine, avec qui je prends le temps de discuter un moment. Puis des habitants à qui nous demandons de l'eau, et au passage le chemin. Le canal continue sur une bonne trentaine de bornes, après Mons. Lorsque le canal dévie vers le Nord-Ouest, nous le quittons enfin ! Nous le traversons grâce à un pont, et filons vers le sud-ouest. A partir de ce moment, nous n'avons plus d'autres repère que ma boussole. J'ai lu sur ma carte de France, la seule dont je dispose et qui n'est vraiment pas précise qu'il faut aller vers l'ouest. Le canal longe la frontière, alors que Valencienne est droit devant. Je ne sais rien de plus sur les routes à prendre, les villes à suivre ni rien du tout. Nous sommes deux types pommés mais qui connaissent au moins leur direction.

 

                L'après midi passe comme toute la journée, tranquillement, à travers un pays tout plat. Nous passons la frontière vers cinq heures, et il nous faut une heure de plus avant d'atteindre Valencienne. Nous décidons alors de nous arrêter là, afin de ne pas passer la nuit à galérer pour dormir. Sur un carton, j'écrit « Voyageurs à vélos cherchent un endroit où passer la nuit », et je l'accroche à ma bécane. Fred ne croit pas à ma combine, mais nous nous asseyons tout de même sur un banc dans le centre ville et attendons. En une demi-heure, quelques badauds s'arrêtent, se contentant de lire puis de nous jeter un regard inquiet. Mais il est des personnes pour venir nous parler. Bon, elles nous conseillent d'aller dormir à la gare ou sous un hall déjà squatté par d'autres. Merci quand même ! Une petite dame nous abborde en venant nous demander si on a décidé de faire comme le type de l'émission « Je viens dormir chez toi », ou un nom du genre. La question fait bien marrer Fred, moi je ne comprends même pas sur le moment, n'ayant aucune « culture » télé. Elle est tout de même très sympathique la petite dame. Elle nous offre une pomme et nous conseil d'aller voir un couvent de bonnes sœurs très hospitalières. Elle nous indique alors la Maison du Pain de Vie. Je pars y frapper en essayant de paraître le plus présentable possible, alors que Fred reste à cacher sa tignasse en surveillant les vélos. Une bonne sœur m'ouvre la porte, et accepte volontiers de nous héberger. Elle me demande cependant de repasser un peu plus tard. Nous allons donc nous détendre dans un square tout proche en attendant sept heure. Mon compagnon me raconte alors sa passion pour le football, puis aborde les problèmes qui l'ont poussés à se réfugier en Belgique. Apparemment, il est recherché pour je ne sais quelle raisons dans sa région. Il continue ainsi l'heure durant à me raconter plein de trucs, alors que j'écoute peu attentivement toute l'avalanche de détails. Au crépuscule, un homme passe dans le square d'une manière très surprenante : il promène son chien, mais aussi son chat. Celui-ci le suit, viens lorsque-il l'appelle, et ne le quitte pas des yeux. C'est un charmant spectacle ! Nous ne pouvons alors nous empêcher d'aller questionner le maître. Comment a-t-il pu se débrouiller pour dresser un chat à la manière d'un chien ? En fait-il s'agit d'un minou accidenté qui depuis a décidé de suivre l'homme qui l'a ramassé après son voltige. Une belle histoire !

 

               Lorsque sept heure sonne, nous repartons au couvent. L'aimable religieuse nous fait entrer et nous place dans un petite pièce près de la porte. La mère supérieur vient nous souhaiter la bienvenue et nous pose quelques questions sur notre voyage. Nous discutons donc avec elles durant quelques minutes, puis elles nous montrent la douche, et nous laissent nous installer. Vers huit heures, un jeune moine africain vient nous convier au dîner. Nous aidons à installer la table, et la sœur nous place d'un côté et de l'autre de la mère. Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas assisté à un bénédicité. Fred jamais. La prière terminée, les plats tournent de mains en mains. Un vrai bonheur de manger un bon repas aussi copieux, nous qui galérons sur la route depuis deux jours. Nous discutons de nos vies respective. L'abbé africain est ici pour une mission de l'église. La sœur s'occupe à plein temps de cette maison ou elle y accueille tout ceux que la vie lui envoie. La mère supérieure s'occupe elle d'une mission en Amérique Latine, en plein cœur des montagnes Colombiennes. Elle nous parle donc de l'hospice qu'elle y tient, des problèmes de la région etc... D'ailleurs, elle reprend l'avion demain pour y retourner. Après mangé, nous aidons tout deux l'abbé et la sœur à débarrasser la table, puis à faire la vaisselle et au nettoyage de la cuisine. Durant ce temps, nous parlons de nos conception de la vie, de nos points de vue laïque et religieux, convergents sur des points et divergents sur d'autres. Aux alentours de onze heure, nous souhaitons une bonne nuit à tout le monde et nous regagnons notre pièce pour dormir.

 

Vendredi 21 octobre 2011 :

 

              Les deux religieuses passent toquer à notre porte au environs de six heures du matin. Elles doivent partir à l'aéroport où la mère doit y prendre l'avion pour la Colombie. Elles nous donnent quelques instructions, et la sœur m'offre un livre sur un saint, celui qui a lancé leur ordre religieux, se dédiant à vivre la pauvreté pour aider ceux qui en souffrent. Nous nous souhaitons mutuellement bon voyage, et elles partent, nous laissant aux soins du frère. Lorsque nous nous levons pour de bon, il est environ neuf heures. Nous rangeons nos affaires, et allons déguster le petit déjeuner qui nous attendait. Le frère nous raccompagne ensuite à la porte et nous souhaite une bonne continuation. Nous le remercions et montons sur les vélos. Nous sortons donc de Valenciennes, sous un ciel nuageux, mais parsemé d'éclaircies. Nous roulons environ cinq kilomètre, voulant suivre la direction du sud, mais lorsque je me rend compte que la route que nous suivons nous fait partir vers le nord-est, nous rebroussons chemin. Nous repartons donc en ville, rattraper le dernier bon panneau. Sur le chemin, nous croisons un petit atelier de réparations de vélos. Je fais signe à Fred de s'arrêter, je tiens à ce que nous fassions voir sa bécane à un professionnel. Le mécano, très charmant nous reçoit volontiers et inspecte la rouille. Selon lui, c'est vraiment une épave. Les freins sont quasi morts, les roues voilées, et cette histoire de dérailleur est une sale affaire. Il demande à inspecter la pièce, mais Fred ne l'a plus ! Il l'a jeté hier matin après que je lui ai retiré, pensant qu'elle ne serait plus d'aucune utilité. Sa connerie fait halluciner le réparateur, moi je m'en désole. Heureusement, notre rencontre se motive pour donner trois coups de clés dans le tas de ferraille. Très gentiment, il retend les rayons, améliore les freins, et se consterne surtout du geste de mon compagnon. Il nous explique qu'il est spécialiste des marques hollandaise et qu'il aurait pu nous retaper ça facilement. Fred répond « ben chais pas fieu, j'pensais qu'je devais le benner ». Il assure aussi au mécano qu'il compte bien aller jusqu'à Athènes sur cette bécane. Notre ami se marre bien en l'écoutant parler. Perso, j'essai de garder mon calme et de montrer un peu plus de sérieux devant lui, le remerciant sans cesse pour son aide. Nous discutons durant la réparation de notre projet de voyage, de politique, abordant tout un tas de sujets. Un client arrive et les discussions reprennent alors de plus belle. Vers onze heure du matin, la vielle rouille est enfin réparée, elle peut reprendre la route un peu plus longtemps. Notre rencontre jette un œil à mon vélo, le considère en bon état mais bien trop chargé. Je le rassure qu'il roule très bien même comme ça. Le client paie sa tournée de café au bar d'à côté. Nous continuons de parler avec eux le temps de l'avaler, puis nous remercions le mécano encore une fois, et quittons enfin Valencienne.

 

               Cap plein sud ! Je ne sais par où on doit passer, mais on y va ! Direction Saint Quentin à travers la campagne. Le ciel se lève et les nuages laissent le ciel bleu apparaître de plus en plus, et avec lui le soleil. Je devance Fred, écoutant ma musique, plutôt énervé par l'histoire du dérailleur. Nous passons par des ruelles, suivant le soleil de midi qui nous indique la direction. Nous sortons de la ville par une petite rue qui nous amène sur un chemin de terre. Celui-ci part traverser les champs sur plusieurs kilomètres. A rouler au petit bonheur et à l'instinct, voilà une belle récompense ! Nous suivons le chemin une demi heure durant, puis retrouvons le goudron. Nous continuons en direction du sud, sans autre notion de géographie. A chaque carrefour, nous prenons toujours vers le soleil, et ainsi, nous nous retrouvons à rouler dans une petite vallée boisée clairsemée de hameaux et de champs. Au bout de deux heures, nous faisons une petite pause, avalons un sandwich de Bruxelles, et remontons sur nos bécane. Aux environs de trois heures, alors que nous avons parcouru une bonne quarantaine de kilomètres depuis Valenciennes, la faim recommence à tirer sur l'estomac, il faut vraiment avaler quelques chose. Au premier Bled venu nous nous arrêtons. Et pas au mauvais ! Nous arrivons dans un petit bourg entouré de vielles fortifications, avec une allure très médiévale. Un très joli endroit dont je n'ai même pas retrouvé le nom. Quelques passants nous dépannent un peu d'argent avec lequel nous prenons de quoi faire un bon pic nique. Nous ressortons par le pont levis pour aller nous poser dans le parc près des douves. Des canards nous tiennent compagnies durant la pause. Une fois repu, Fred me propose de fumer un pétard avant de repartir, histoire d'apprécier encore un peu cet endroit magnifique. Je comptais garder notre dernière mèche pour ce soir, mais je cède à la proposition. Nous nous fumons alors la fin de l'herbe de Bruxelles en regardant les canards se balader entre les nénuphares, au pied des vielles fortifications. Nous débattons une heure durant, ma rancune pour le dérailleur s'est bien effacée. Lorsque le soleil se cache derrière la cime des arbres, nous rangeons nos affaires et reprenons la route.

 

               Nous continuons à rouler une belle heure durant, traversant la campagne sur une route départementale filant vers le sud ouest direction St Quentin. Le soleil continuant sa course, il est très agréable d'avoir l'impression de pédaler vers lui toute la journée. Au bout d'une bonne dizaine de kilomètres, une voiture de la douane passe à contre-sens, mais fait demi-tour un peu plus loin. Elle revient, nous double et se gare devant moi. Deux flics en descendent, me faisant signe de m'arrêter, en plein dans un côte. J'enrage ! Je leur fais direct comprendre ma façon de penser leur geste (tout en restant poli bien sûr). Fred me rejoins, et une voiture break noire que je n'avais pas remarquée vient se garer derrière lui. En descend un jeune cow-boy aux lunettes de magazines. Un officier en uniforme venant de la première voiture nous signale qu'ils vont contrôler notre identité et notre chargement. Je ricane bien, dénonçant le contrôle injustifié. Je leur demande d'une façon bien moqueuse si ils s'imaginent que l'on s'est motivés pour faire un go fast sur des vélos. Fred pète un boulon et vire son sac du porte bagage pour étaler au sol toutes ses affaires. Je reste calme, assis sur mon vélo. J'ai cédé ma carte m'autorisant à exister, mais ne fait rien de plus. L'officier nous demande de dire de-suite si l'on a des substances illégales, car un chien va nous inspecter les sacs. Fred s'écrie alors « Mais ça sert à quoi que je déballe tout mon barda !? ». « Mais à rien monsieur, lui répond le gradé, on ne vous a d'ailleurs rien demandé ». Le jeune douanier sort un berger belge de son break qui vient me renifler les sacoches et la veste. Je bénis Fred d'avoir voulu fumer la fin du pochon ! Je suis encore sous les effets du T.H.C, et la situation me fait bien marrer au final, mais je n'en dis mots. Vous êtes en retard les mecs ! Hé le cabo, vient me renifler le cerveau, il est encore tout parfumé à la clorophylle ! Le molosse ne trouve donc rien d'intéressant chez moi, ni dans les affaires de Fred. Les douaniers nous rendent alors les cartes, nous souhaitent une bonne journée et repartent. C'est ça, cassez vous ! Cette histoire m'a un peu remis sur les dents, car il est vraiment désagréable d'être ainsi arrêté. Cependant nous la prenons finalement plutôt bien, vu qu'il ne s'est au final rien passé. Je craignais pour Fred, mais il n'a pas non plus été inquiété. Le temps de griller une clope pour digérer la pause condé, nous remontons sur les selles.

 

            Le soleil termine sa course et vient enflammer l'ouest. Lorsque les nuages ne rougeoient plus, nous sommes encore à dix kilomètres de Saint-Quentin. Je rattrape Fred à l'entrée d'un village où il m'attendait. Sa bécane réparée va maintenant plus vite que la mienne. Je le bas dans les côtes, mais sur le plat, il est beaucoup plus rapide. Il m'a donc mis une bonne distance d'avance, et il m'attend depuis cinq bonnes minutes. Nous buvons un coup d'eau, mangeons un fruit, et décidons de ne pas poursuivre la route plus loin. Il nous faut donc chercher un abri dans le coin. Nous nous mettons alors en quête d'une porte hospitalière. Nous errons un moment dans le village, allant frapper à toutes les maisons allumées. Hélas, la faune locale refuse chaque fois de nous accueillir. Nous demandons à pouvoir dormir dans le garage, sous le porche, par là, mais c'est toujours non. Ainsi, nous restons à la rue, dans le froid de cette nuit d'octobre. Une boulangerie accepte de nous refiler une baguette invendue, merci beaucoup. A force d'aller et venir au gré des ruelles, nous tombons sur une place avec trois abris au fond, à l'écart. Voilà un endroit parfait ! Nous nous installons sous le plus reculé, puis mangeons le pain agrémenté de la fin du pic nique. Avant de dormir, Fred se lance dans un tour d'inspection de notre refuge. « Mais non fieu ! Viens voir ça ! » S'écrie-t-il. De sa lampe de poche, il éclaire les murs en béton. Je me lève et voit apparaître à la lumière tout plein de croix gammées ou autres symboles fascistes, avec des slogans rascistes, nationalistes haineux, etc... Qu'est ce que c'est que cet endroit !!! Je sors ma lampe et pars explorer les autres abris. Je trouve aussi des tags nazis, des bouteilles de bières, des cendres, etc... Durant l'inspection, nous nous imaginons le genre de rencontre que l'on peut faire dans le secteur. Nous voilà en plein dans un repère de jeunes fachos ! Presque nous aurions tout replier pour quitter ce lieu le plus vite possible. Mais la flemme nous fait rester en place. Et puis vu la nuit quasiment glaciale, j'espère bien que pas un seul type ne vas venir nous repérer dans notre coin d'ombre. Plus une seule flamme, plus une seule lumière, il faut être les plus discrets possible. Nous décidons aussi de nous coucher avec à portée de mains des objets pouvant servir à se défendre, et à dormir d'un sommeil léger. De toute façon, vu la chaleur de notre hospice, on ne va sûrement pas faire de doux rêves !

 

Samedi 22 octobre 2011 :

 

               Il fait à peine jour que je commence déjà à me trémousser dans mon sac de couchage. La nuit a été très froide, mais heureusement aucune mauvaise visite n'est venu nous troubler. Je relève la tête pour regarder l'heure : huit heure. Allons, ne traînons pas ! Dès qu'il s’aperçoit que je suis éveillé, Fred me lance « hé ! Y'a un type qu'est passé devant avec son chien tout à l'heure, il nous a vu  ! » Nous sortons du peu de chaleur qu'apportaient les duvets pour affronter la température glacée du matin. Le temps est tout gris, avec du brouillard et tout ce qu'il faut pour bien regretter d'être sur la route. Alors que nous plions nos affaires, mon compagnon s'exclame « tention, y'a le type au chien qui r'viens ! » Un inconnu marche en effet dans notre direction, mais sans avoir l'air agressif pour autant. Il nous salut tout deux et demande « Vous n'avez pas eu froid ? Vous auriez du venir toquer chez moi plutôt que de dormir ici ! » C'est un voisin, habitant juste à côté des porches en béton. Raah, on a cogné à toutes les baraques du village sauf la sienne ! Nous lui expliquons notre voyage vite fait et notre arrivée hier soir. Au cours de la discution, Fred lance à l'inconnu « Ils ont un bel esprit les jeunes du coin ! » en désignant les murs et les croix gammées. L'homme se désole : « c'est toute une bande de jeunes d'extrême droite qui vient squatter là le soir ! Des fois, ils sont plus d'une quarantaine, se ramenant avec leurs motos au boucan infernal. Et ça bois, et ça gueule, et ça explose les bières dans tout les sens. L'autre jour, ils ont même foutu le feu aux poubelles. Et pas moyen d'aller les voir, cet été ils ont failli me sauter dessus à une dizaine. Et la police n'intervient pas, c'est une plaie ! » Nous avons eu de la chance de ne pas tomber là un mauvais soir ! Le voisin nous propose aimablement un café, et que nous acceptons avec joie. Il reviens chargé d'un plateau avec de la brioche, et toute une cafetière de café. Nous buvons donc avec lui en dévorant le petit déjeuner. Puis l'homme refait un allez-retour chez lui, ramenant le plateau et nous ramène des couvertures de déménagement dont il nous fait présent. Nous le remercions un millier de fois avant que notre ami voisin d'un matin ne parte au travail et nous sur nos selles.

 

                Nous quittons l'antre des nazillons et reprenons la route vers St Quentin. Nous roulons vingt bonnes minutes dans le froid mordant du matin. L'air est vraiment glacé, surtout avec le vent du vélo. Mais le pire, ce sont les mains. Fred dispose de moufles en laine alors que je ne porte juste que des petites mitaines de vélo sans aucune chaleur. A la base, je souffre en silence, me contentant d'avancer. Mais plus nous roulons, et plus mes doigts me font souffrir un enfer. Vers la fin, ils sont tellement gelés que je ne peux même plus changer les vitesses, et à peine attraper les freins. Lorsque nous arrivons enfin à St Quentin, je propose à Fred d'aller boire un café pour nous réchauffer. Un inconnu nous dépanne cinq euros très gentiment, ce qui nous permet de nous réfugier dans un bar. Le premier comptoir venu nous accueille très chaleureusement, autant le barmans que les quelques habitués. Nous commandons deux bons cafés et je cours direct aux toilettes me faire baigner les mains dans l'eau chaude. En quelques minutes, le sang reviens, m'apportant tout un tas de fourmis. Je reviens dans la salle où Fred à déjà mobilisé l'attention pour raconter notre délire et nos projets. Le temps d'un café, puis d'un second que l'on nous offre nous prenons bien une heure pour nous réchauffer en causant avec les clients et les employés. Au final, un habitué nous promet une mousse si on repasse dans ici, mon compagnon jure de revenir la boire et nous remercions tout le monde en partant.

 

Le brouillard a eu le temps de se lever, emportant avec lui la fraîcheur du matin. D'ailleurs nous voyons presque le soleil nous éclairer à travers les nuages. Nous rencontrons un canal le filant vers le sud-ouest, selon ce que m'indique ma petite carte. Nous montons sur le chemin de hallage, et y roulons durant deux bonnes heures. Autour de nous, il y a surtout de la forêt. Lorsque des champs apparaissent sur le rivage opposé, ils sont pleins, de chasseurs. Nous passons alors le plus vite possible avec les trucs les plus visibles que nous puissions avoir et une sacré boule à l'estomac en les entendant tirer. Heureusement, pas une seule balle ne nous atteint et nous continuons notre chemin sans accident. Nous quittons le canal lorsque celui-ci oblique vers l'ouest, en direction de Ham. Nous continuons alors en direction du sud-ouest, afin d'aller trouver une vallée que j'ai repéré sur ma carte (la vallée de l'Aisne je crois). Nous traversons une forêt et c'est à sa lisière que nous retrouvons le soleil. Celui-ci nous accueille lorsque nous sortons de sous les branchages, ayant enfin dissipé le brouillard qui régnait sr la campagne. Malgré cela, nos forces diminuent de plus en plus, mais nous parvenons enfin à Noyon, vers quatorze heures, une quarantaine de kilomètres après Saint-Quentin.

 

            Nous tombons morts de fatigues sur un banc du centre-ville. La place où nous sommes est très jolie et bien éclairée par le soleil. Mais la faim nous tient, aussi je me motive pour quémander quelques pièces . J'aborde donc quelques passants, leur expliquant que nous voyageons à vélo mais qu'un problème sur une des bécanes a du être résolu avec notre budget bouffe (ce qui n'est pas un mensonge). Il en est qui m'envoient chier, mais trois grands-mères me sortent quinze euros en tout. D'autres passants m'ayant donnés quelques pièces, je récolte une vingtaine d'euros en un quart d'heures, de quoi faire un bon repas. Ce que nous faisons ! Nous nous préparons de bon sandwichs, mangeons quelques fruits et enfin digérons sur les bancs. Mais le soleil baisse et il nous faut remonter en selle. A présent, c'est vraiment pas compliqué : il nous suffit d'aller tout droit, suivant la rivière, toujours en direction du sud-ouest, et ainsi nous atteindront Paris. Nous roulons donc toute l'après midi jusqu'à arriver à Compiègne, aux environs de dix-neuf heures.

 

       Nous nous arrêtons au centre-ville, à côté d'une grande et vielle église. Rapidement, l'idée nous vient d'aller toquer au presbytère pour tester l'hospitalité religieuse. Mais le curé qui nous ouvre nous conseil d'aller voir à une abbaye toute proche, en plein cœur de la forêt. Nous remontons en selle et partons à cette dite abbaye, avec les indications de l'abbé. Nous roulons quelques kilomètres à travers les champs, traversant un canal, une rivière et une voie ferré pour enfin entrer dans cette fameuse forêt de Compiègne. L'atmosphère y est très apaisant. Le silence règne ici, accompagnant la belle lumière du soleil couchant qui filtre travers les branchages. Lorsque enfin nous trouvons le lieu de culte, nous découvrons un très vieux site, tout de pierre de taille mais en grande partie en ruine. L'abbaye est entourée d'un mur d'enceinte, avec quelques maisons de pierre à son entrée dont quelques-une restaurées. En passant par un petit passage, nous entrons dans la grande cour, avec de beaux sapins, entourés de quelques bâtiments. A gauche, plutôt récents, à droite complètement en ruines. Devant nous se trouve une vielle église dont il ne reste que de beaux vestiges, avec comme aile gauche un grand bâtiment restauré et comme elle droit le même mais version délabré. Un moine nous accueille, plutôt jeune. Il accepte volontiers de nous offrir l'hospitalité, et nous invite à aller poser notre tente dans un coin qu'il nous indique. Lui demandant, si il aurait un peu de pain à nous offrir, il nous convie à venir dîner dans une heure. Nous passons devant les bâtiments effondrés de droite pour trouver une petite ferme avec quelques animaux. Là, nous contournons l'enclos pour enfin trouver une parcelle d'herbe entourée d'un mur écroulé. Nous posons la tente en plein milieu et installons nos affaires. Après une bonne douche, nous rejoignons le frère dans le grand bâtiment restauré. Il nous y retrouve avec un jeune couple et une demoiselle. Il nous offre les restes du repas, très abondant, nous explique comment éteindre en sortant et nous laisse. Nous mangeons donc tout les cinq en discutant. Le couple prépare ici ses fiançailles avec le prêtre. La jeune parisienne est elle venue chercher le calme pour le week-end ici afin de se spiritualiser avant je ne sais quoi. Une fois le repas terminé, nous partageons le nettoyage, leur souhaitons bonne soirée et regagnons notre tente.

 

Dimanche 23 octobre 2011 :

 

            A huit heures, nous sommes sur pied, au son du réveil, et partons prendre le petit déjeuner. Nous retrouvons toute la compagnie d'hier soir et mangeons tous ensemble en reprenant le débat de la veille. Puis, tout le monde aide au nettoyage, et nous nous quittons en nous souhaitant bonne continuation. Nous ne tardons pas à replier la tente et à ranger nos affaires, et à neuf heure et demi, nous sommes devant les bâtiments, sur un banc, au soleil, sirotant un café avant de grimper sur nos bécanes. Tout est bon, nous avons bien mangé, il fait beau, le soleil brille, les oiseaux chantent, les vélos roulent et il ne nous reste plus qu'à pédaler tranquillement toute la journée et nous serons en lisière de Paris ! Il est bon le café, elle est bonne la cigarette, il est chaud le soleil... BANG !!! La détonation nous fait tout deux sursauter. Nous cherchons autour de nous d'où venait le bruit. Les vélos sont toujours en place, en état... ou presque ! Une roue, la fameuse roue arrière du vélo de Fred est à plat. Qu'est-ce qui c'est passé encore ! J'emprunte des clés aux moines et démonte le pneu. C'est carrément la chambre à air qui a pété, il y a un énorme trou dans la caoutchouc. Je ne cherche pas à comprendre comment un truc pareil à pu se produire et tente de recoller un grand bout de chambre à air par dessus la fissure. Hélas, la réparation de fortune ne parvient pas à retenir l'air et malgré plusieurs essais, il est impossible de sauver la chambre à air, dont nous n'avons pas la rechange. Quelle poisse ! Nous restons donc là à réfléchir au soleil à comment sauver la journée, sans grande idée.

 

            Il est seize heure. Une énième tentative de réparer le pneu s'est avérée inutile. Nous n'avons pas perdu la journée, nous avons pu en profiter pour parler avec plein de monde, des moines aux gens de passage, faire sécher la tente, visiter le lieu, nettoyer des affaires, manger un autre repas offert par les frères, etc... Mais nous sommes encore à l'abbaye !!! Vu mon humeur , je préfère m'éloigner de Fred et me plonger dans la méditation sous les grands sapins. Soudain une idée me vient. La jeune bourgeoise à dit qu'elle devait rentrer sur Paris ce soir en voiture, et ramener le couple au passage. Je propose donc à Fred de voir si il serait possible qu'elle le pose soixante kilomètres plus loin, et que je parte dès à présent l'y rejoindre à vélo. Je m'arrange donc avec la miss, qui accepte. Elle doit cependant attendre de se faire confesser avant de tester si le vélo entre. J'attends donc patiemment qu'elle reçoive son absolution en chantonnant Brel dans mon coin.

 

« C'est trop facile d'entrer aux églises,

d'aller cracher toute sa saleté,

face au curé qui dans la lumière grise

ferme les yeux pour mieux vous pardonner ».

 

          Cinq heures de l'aprèm, je suis enfin sur ma selle. Le vélo de Fred est dans le coffre et nous devons nous rejoindre dans le centre de Orry-la-ville ce soir. Je lui ai donné mon numéro afin qu'il me contacte en cas de pépin, ainsi qu'à la demoiselle de l'abbaye. Je roule vers le soleil des heures durant, à travers la forêt, puis dans un patelin, et à nouveau des arbres à perte de vue, etc... Je fais une courte pause à Verberie, mangeant un peu de nourriture offerte par les moines, et continue ma route. Après une bonne pente, je me retrouve sur un beau plateau avec des champs à perte de vue. C'est hélas le soir, très tard, et je suis encore à quinze kilomètres du rendez-vous. Lorsque j'arrive à  Senlis, c'est carrément la nuit noire. Je réfléchis à peut-être m'arrêter. Fred se débrouillera bien sans moi. D'ailleurs, je vois sur mon portable une texto de la jeune parisienne : des travaux les ont empêché de sortir de l'autoroute à la sortie de Orry-la-ville. Elle a donc posé Fred à Louvres (je crois) , dix kilomètres plus loin. Mon compagnon est donc à vingt cinq bornes devant moi. Raison de plus pour ne pas se risquer à le rejoindre de nuit ! Je vais toquer à un restaurant à l'allure d'auberge, et demande au patron si il connaît un coin où je peux dormir. Très gentiment, le patron me propose de m'accueillir sous son toit. Il m'ouvre donc le garage pour son vélo, me présente à sa femme qui m'installe dans une chambre. Fred arrive au passage à me joindre, par téléphone, m'expliquant sa mésaventure. Nous nous donnons rendez-vous pour le demain midi devant un centre commercial qu'il a repéré. Une fois douché, je redescends dans la salle de restaurant. Le patron m'offre un bon plat, que je dévore au comptoir tout en discutant des heures durant avec lui et sa femme, avant de partir au lit.

 

Lundi 24 octobre 2011 :

 

         La patronne me réveille aux environs de huit heure du matin. Elle m'offre un petit déjeuner, je souhaite à elle et son mari qui se lève une bonne journée, ils me renvoient la politesse et je grimpe sur mon vélo. J'ai donc vingt cinq kilomètres à faire le plus rapidement possible afin de rattraper Fred. Je pédale donc comme un dératé toute la matinée, m'autorisant une pause en chemin.

 

         Lorsque je rejoins mon compagnon, il est assis devant le centre commercial dont il me parlait. Pendant que je dormais confortablement à l'auberge, il a passé la nuit dans un buisson tout proche. Je lui demande si il a trouvé une chambre à air en m'attendant, il me répond que non, il est resté là à m'attendre. La réponse m'énerve, je le laisse donc assis et par chercher la chambre adéquate, après avoir taxé cinq euros pour la payer. Hélas, elle n'existe pas en rayon, du moins seulement avec des valves plus grosses. Qu'importe, on s'arrangera. Nous trouvons un garage tout proche pour taxer les outils et démontons une énième fois la roue. Impossible de faire passer la valve. Je repars donc au magasin voir si il n'y a vraiment rien de mieux, mais je reviens bredouille. Nous décidons donc de percer la jante afin d'agrandir l'espace de la valve. Mais le garage nous informe qu'ils vont fermer. Je finis donc rapidement et laisse à Fred le soin de finir de remonter sa roue. Cela fait, nous rendons les outils, les remerciant et les mécanos partent déjeuner. Fred monte sur son vélo, et s'apperçois alors qu'il ne roule pas. J'explose de rage en voyant qu'il a oublié de mettre une pièce. « Je pensais qu'elle servait à rien qu'il me répond » ! Nous devons donc attendre quatorze heure que le garage ouvre afin de réparer sa connerie ! Mais un mec du coin vient taper la discution, parlant sans s'arrêter sur milles sujets. Je ne participe absolument pas à leur débat, faisant mon solitaire, plongé dans mon portable. En effet, j'ai réussi à joindre des membres de ma famille habitant dans le coin, cherchant leur hospitalité. Ils nous invitent donc tout deux chez eux pour ce soir. D'ailleurs, mon grand oncle Patrick à un beau cadeau pour moi...

 

           Enfin quatorze heure ! Le garage ouvre ! Les mécaniciens se marrent en nous voyant encore ici ! Je règle la roue en deux deux et nous repartons enfin de Louvres. Cap à l'ouest toute ! Nous traversons la belle campagne du Val d'Oise, hélas pour nos mollets très vallonnée. Nous roulons jusqu'à L'Isle Adam avant la première pause. Le temps d'un pic-nique dans un parc, je reprends des infos routes avec ma grande tante. Nous nous remettons en selle, reprenant pour la première fois depuis longtemps la direction du Nord, vers Marines. Chemin faisant, mon compagnon roule derrière moi et se plaint de la montée trop dure, la descente trop raide, le temps trop chaud ou froid. A ce moment, il me rend vraiment dingue ! J'éssai de contenir mon énervement et lui impose de se mettre le plus loin de moi possible si il veut faire des commentaires, afin de me laisser en paix avec ma musique. Ainsi, je tente de mettre le plus d'espace possibles entre nous afin de rester zen. En fin d'après midi, je remarque que ma roue avant est à nouveau voilée... Nous parvenons au petit village des environs de Marines à la nuit tombante, où j'ai la joie de retrouver mon grand oncle Patrick et ma grande tante Jeanine!

 

 

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