Acampada Bruselas

Publié le par Peleran

Campement de l'agora de Bruxelles, Parc du Cinquantenaire

 

Dimanche 16 octobre à mardi 18 octobre.

 

         J'ai décidé d'organiser cet article d'une manière différente de l'habituelle. Je n'ai en effet pas de souvenirs très précis de la chronologie de mes faits et gestes durant ces trois jours, mais je me souviens bien de l'organisation des journées, avec le rythme de vie propre à une acampada. Je vais donc faire le récit d'une seule et journée, mais qui racontera en fait ce qu'il se faisait durant les trois.

 

6c01a22c87e7bb4f74b2927bd6d84567_ID2931979_17_zindignes-dr_.jpg          A deux pas d'un centre politique de l'Europe, à Bruxelles, un petit campement de rébellion s'est installé quelques belles journée d'octobre. Entre les multiples donjons ou siègent les armés de fonctionnaires européens, les tyrans de l'économie, les bienfaisants intéressés, et le musée de l'armée belge , une centaine de tentes se sont dressées sur la pelouse. C'est bien ridicule fasse aux tours hautaines du système, gardées par leurs sbires en armure derrière leurs barbelés. Mais pour celui qui a eu la motivation de venir poser sa toile, en venant de je ne sais où, ou plus simplement le bruxellois sorti de chez lui pour venir partager un moment, c'est un monde magique ! Répartis sur quelques pelouses, les champignons multicolores donnent un certain trait original au Parc du Cinquantenaire. Il n'y a là rien d'un camp romain, les tentes ont été monté sans aucune discipline, les campeurs s'étant installés comme il leur chantait. Sur certaines toiles sont inscrites des revendications, une phrase, un mot, voir juste un sigle, souvent « 15M, ou Marcha Bruselas ». Quelques unes ont été plus travaillées, et arborent un belle œuvre artistique en peinture.

 

         Le réveil du camp ne se fait pas vraiment avant dix heures. Avant cela, quelques personnes plus matinales se réveillent peu à peu et se regroupent autour du feu de cuisine, dont ils rallument les braises. Encore enveloppés dans leurs couvertures, les campeurs ébouriffés viennent se chauffer au soleil du matin et aux premières flammes. Quelques uns trouvent la motivation pour casser des palettes afin d'alimenter le foyer, ou commencent à préparer du café. On parle tranquillement, commentant l'état du camp, la soirée de la veille ou autre. Peu à peu, d'autres tentes s'ouvrent et on voit apparaître des pieds, une tête décoiffée, ou juste une chenille dans son sac de couchage. Beaucoup restent à goûter l'atmosphère de cette nouvelle journée quelques minutes avant de s'activer à sortir. Les gens se lèvent alors et viennent se masser autour du feu, lançant un « b'jour » endormi à l'assistance. On s'écarte un peu pour leur laisser une place près des flammes. Les nouveaux venus mettent quelques minutes à s'adapter à la nouvelle journée, perdant leur regard dans le crépitement des braises. Le brouhaha s'élève au fur et à mesure de l'effet du café, et à force se font entendre dans tout le camp. Quelques tentes se mettent à bouger, on entend parler à droite, à gauche, et les bruits de fermetures viennent troubler les rêves des dormeurs les plus tenaces. Mais les premiers réveillés sont déjà sur pied, s'activant à ranger le camp, à organiser la cuisine, à nettoyer les saletés. Certains sont partis faire une récup' matinale pour chercher un petit déjeuner, et ne reviendront pas avant quelques heures. D'autres feus, qui avaient été allumés la veille un peu partout dans le camp pour se réchauffer sont ravivés. La fumée s'élève entre les toits de tente. Des groupes plus ou moins importants se massent autour d'eux. Le soleil à présent assez haut réchauffe bien le corps de tous.

 

           La journée du camp commence en général par une assemblée. Vient qui veut, ou reste près du feu. On se pose alors en cercle sur la pelouse, assis par terre. Beaucoup sont encore enveloppés dans leur couvertures alors que d'autres, plus actifs, sont déjà fraîchement vêtus après s'être activé de bonne heure. Un modérateur, un preneur de notes et des interprètes dans les langues présentes sont désignés, et on passe aux points du jour. L'assemblée du matin sert à organiser la journée, entre le programme de l'agora prévu, celui des campeurs, ou de l'initiative d'un groupe de réflexion, de travail, d'action, ou autre. On parle aussi du camp : son état, sa gestion, sa propreté, ses besoins, les améliorations à faire, ou encore de l'organisation d'une action à mener dans la journée. L'ensemble à souvent été plus débattu la veille au soir, il s'agit juste de mises au point pour lancer la journée. On fixe donc les horaires du programme, et on se divise en groupes de motivés. Au bout d'une bonne heure, l'assemblée est levée et toute l'assistance se disperse dans le camp.

 

DSC01322.jpg       A présent, tout le monde est sur pied et s'active à quelque chose. Par là, on commente les journaux du matin traitant de la manifestation, d'autres autour d'un feu on ressortis les djembés et les didgeridoo et se remettent à leurs rythmes. Le camp grouille de vie, comme une belle !fourmilière. Selon moi, l'acampada se déroule d'une façon bien meilleur que l'occupation de l'H.U.B. Il faut dire que la manière de vivre est complètement différente. Ici, tout d’abord, nous sommes vraiment tous égaux par le fait que nous ne sommes pas répartis sur des étages. De plus, mis à part les toiles des tentes pour notre intimité, aucun mur ne nous sépare. Il suffit donc d'être debout pour pouvoir constater tout ce qu'il se fait dans le camp. Dès lors, les choses sont plus faciles au niveau de l'organisation, du calme, de la sécurité de nos affaires. L'acampada est bien entendu très peuplée, mais nous sommes souriants sous le soleil, dans une atmosphère joyeuse et ravie. Mille choses sont à faire dans un tel campement : on peut jouer de la musique, aller donner un coup de main en cuisine, débattre de nombreux sujets au gré des discutions, faire du sport, de la danse, de la peinture, apprendre quelques chose grâce à une rencontre, lui en enseigner une autre, courir après son chien, partir, revenir, déplacer son toit, fumer, draguer, ne plus savoir où donner de la tête, et le plus important, ne rien faire du tout. La vie quoi, mais ici gratuitement et dans une ambiance complètement folle ! N'importe quelle personne que l'on croise vous salut en souriant, voir vous embrasse, en y croyant vraiment, vous demande comment ça vas en écoutant la réponse, et a quelques mots à vous dire qui vous travailleront toute la journée. N'importe qui peut être une rencontre fabuleuse, et il est très agréable de partager des moments avec des gens qui te sont ouvert et disposés sans même te connaître ni chercher à te juger. Nous sommes tous là parce que nous avons suivi une puissante énergie et être ici rassemblé à Bruxelles dans cette acampada est une expérience magique !

 

            Suivant le rythme espagnol, le repas de midi se fait environ vers quinze heures. Lorsque que «a comer » retentit dans le camp, tout le monde se rassemble autour de la cuisine. Une queue se forme sur le côté. Chacun passe petit à petit devant les tables en se prenant une assiette, des couverts, du pain, des fruits, un laitage, de la verdure et enfin se fait remplir l'assiette par le cuisiniers. Nous sommes nombreux, et il faut se forcer à ne pas abuser sur les doses lorsque l'on a des grands saladiers plein de nourriture devant nous, mais malgré cela, nous mangeons vraiment suffisamment. Une fois servi, il faut trouver où manger. Certains le font debout en plein milieu, mais la plu part s’assoient un peu partout, près du feu, sur un palette, dans l'herbe, sous leur toile de tente. Tout en mangeant, on continue la discution engagée avec un rencontre faites durant la queue, ou rencontrée en venant s'asseoir. L'ambiance est vraiment amicale. Lorsque les premiers sont rassasiés, ils se mettent à crier « Gracias la cocina!!! » et tout le monde reprend le remerciement en applaudissant les cuisinier. Une fois l'assiette vide, les gens responsables se rendent aux bassines de plonge pour y nettoyer leur assiette et leur fourchette, et la mettent à disposition des nouveaux arrivant dans la file de queue. Les plus feignant laissent leur assiette sur place en se disant que quelqu'un la ramassera bien. Parfois, un volontaire reste aux bacs et s'occupe de gratter pour tout le monde, au remerciement de tous. Le ventre est bien rempli, l'après-midi peu se lancer !

 

    Les assemblées à thème ne sont pas trop mon délire dans ce camp, aussi j'ai plutôt tendance à les éviter, sauf une seule. Celle de la « March To Athens ». Programmée en général vers 17 heure, il est plutôt compliqué de lui faire respecter l'horaire. Ainsi, Massimilano, l'ami Sicilien au « tambourin ??? » arpente le camp en appelant les motivés. Au bout d'un quart d'heures à tourner, nous sommes un vingtaine à crier avec lui ou à commencer à former le cercle dans l'herbe. Puis, les crieurs rejoignent ceux assis et nous lançons l'assemblée. Comme toujours, il faut désigner les rôles. Cela fait, on explique le travail qui a déjà été fait par le dernier groupe de réflexion, les points à réfléchir, ceux à mieux débattre, etc... D'autres fois, ne sachant comment commencer, nous faisons un tour du cercle où chacun est invité à se présenter, à exprimer sa motivation, partager les concepts qu'il a pour le voyage, proposer ses idées. Au fur et à mesure des prises de paroles, tout le monde parle en racontant un peu tout à côté, divague, fait des liens que lui seul comprend, mais tout ça est très drôle, et nous passons beaucoup de temps à rire par notre folie. Quelques personnes nous rejoignent peu à peu, venant juste écouter ou voulant participer. Certains croient parfois lorsque le groupe est vraiment grand que c'est l'assemblée du soir et viennent alors raconter des trucs complètement décalés du sujet. Il faut être calme et patient, mais avec le soleil chauffant le dos, c'est toujours plus facile. A force de parler, nous parvenons à trouver quelques consensus. Trois grands projets sont proposés : l'un partira de Bruxelles, un caravane de camions afin d'aller vers l'est et rencontrer le mouvement d'autres pays en faisant beaucoup de routes. Les deux autres seraient des marches qui iraient à Athènes en passant par l'Italie. L'une serait directe, militante et appuyé d'un soutien motorisé, alors que l'autre serait beaucoup plus tranquille, philosophique naturelle et sans véhicules. Ces deux marches partiraient de Nice après les manifestations contre le G20 de Cannes, et la caravane de camions de Bruxelles directement après la fin de cette agora. Les trois projets se réuniraient une fois à Rome en hiver et l'autre à Athènes au Printemps. Kevin s'intéresse beaucoup au projet de la caravane, alors que je suis plus motivée par la « Marche Eco ». Mais mon idée serait de faire une marcha totalement en vélo afin d'appuyer la marche motorisée, tout en ayant plus de possibilités de mouvement. Mais tout cela ne verra pas vraiment le jour avant d'être au G20. Le rendez-vous est donc donné : tous à Nice pour le premier novembre !

 

 DSC01326.jpg       La fin de l'après-midi est aussi vivante que le matin, mais on accompagne le soleil baissant en nous posant sur les pelouses. Il y a toujours quelqu'un avec qui parler, avec qui partager un pétard ou une canette. Les discutions divaguent sur différents thèmes et nous tentons de nous comprendre, même lorsque l'interlocuteur parle notre langue. Les personnes présentent sont tellement toutes originales dans leur pensée, leurs vécu et la motivation qui les a poussées à venir. Chaque personne à qui tu parles ici à quelque chose à te raconter, en te disant la vérité, juste de l'expression vrai. N'importe quel opportun qui viendrait à nous raconter le dixième de cela dans le métro nous paraîtrait comme complètement fou, mais ici l'indigent est un ami avec qui on partage quelques flammes. On se parle, on se souris, on rigole et on s'aime ! Je me souviens d'un pur moment où Kevin et moi avons rencontré Maria, une marcheuse de Barcelone. Elle nous invita à fumer avec elle. Puis nous rejoint Frank, le guitariste/trompettiste Allemand, qui à présent c'était fait voler même sa trompette, après sa guitare à l'H.U.B. Mais malgré cela, il gardait le sourire. Nous avons donc discutés pas mal de temps sur un coin d'herbe encore ensoleillée, en anglais et en espagnol, laissant le THC dériver toujours le sujet.

 

          En début de soirée, aux alentours de dix-neuf heure, l'assemblée générale du camp est convoqué. Tout comme le matin, elle n'est bien-sur pas obligatoire, mais vivement conseillée si l'on veut connaitre la journée du lendemain, influer sur ce qu'il se dit, etc... Bien sûr, aucun contrôle n'est fait concernant les gens qui écoutent, les campeurs sont fiers de ce qu'il se dit autour du cercle. Souvent, des agents de police en civil viennent même écouter le débat, répondant même à des questions lorsqu'ils se savent démasqués. Comme toujours, on commence par désigner les rôles, les points du jour et leur ordre, souvent proposés par la commission ayant préparée l'assemblée. Une bonne heure de débat est alors lancée, où vont s'exprimer les diverses commission ou groupes ayant travaillés durant la journée. Un à un, les thèmes sont abbordés, de manières plus ou moins longue. Au fur et à mesure, on établis le programme pour le lendemain, et on fixe même parfois des réunions de commission un peu plus tard dans la soirée pour les sujets qu'il faut traiter rapidement. Une fois que les points de jour sont traités, l'assemblée se poursuit, abordant des questions ou des nouveaux points lancées par des participants au cour du débat et qu'on a préféré traiter plus tard. Lorsque la plus part de l'auditoire ne trouve plus grand chose à dire, ou que trop de monde est parti, l'assemblée est cloturée et tout le monde se lève en criant des houras et en agitants les mains de soulagement!

 

          Lorsque la nuit tombe, nous continuons nos activités à la lampe de poche ou à la lueur des flammes. Beaucoup de monde va donner un coup de main à la cuisine pour préparer ou partent dans Bruxelles chercher à faire de la récup. Une heure ou deux avant minuit, le repas est enfin prêt et la queue se reforme devant les marmites. A nouveau, nous nous éparpillons dans le camp pour savourer ce repas bienvenu, puis chacun part faire sa plonge. Après le repas, les feux de camps sont ravivés et tout le monde vient se blottir autour d'eux. Chacun est une ambiance différente. Certains sont habitués à un certain foyer et ont d'ailleurs passé la journée près de lui, en jouant du didgeridoo par exemple, mais la plus part se retrouvent assis dans le halo d'un feu au gré d'une rencontre. On entends un son de guitare provenant d'une flambée et beaucoup de monde s'y rend peu à peu. La musique attire les campeurs avec plus de force qu'une lampe pour un papillon ! D'ailleurs, le dernier soir, je trouve Massimiliano et son "Tammora" . Motivés pour jouer une fois de plus ensemble, nous partons faire le tour des feux de camps. Nous nous invitons alors autour des foyers pour faire un peu de musique. Nous jouons trois ou quatre chansons puis changeons de flammes. Chaque fois se crée une super ambiance le temps d'un moment, ameutant au passage d'autres campeurs. Au quatrième feu, une véritable ambiance de fête se forme. Ils ne nous avaient pas attendus pour sortir grattes et percussions, et un bon beuf musical s'improvise. Une bonne partie du camp rejoins notre feu de joie et nous le cercle autour du feu est vraiment grand! Nous rejoint même une cornemuse Basque ! La tête sous les étoiles, les yeux dans le feu, nous jouons plusieurs heures durant dans une ambiance de folie. Les mèches tournent, les canettes aussi. On continue de jouer, encore et encore. Plus tard, je repose mon accordéon, et pars directement dans une discution avec tel ou telle rencontre du moment. Un à un, les instruments de taisent et laissent la place comme toujours aux rythmes des percussions, infatigables, mais surtout sans cesse relayées. Au fil des heures, le camp repart se coucher. Les rencontres faciles ont permis aux plus chanceux de rencontrer leur chanceuse, ainsi certaines tentes font profiter leurs voisins d'un moment de bonheur. Mais les djembés accompagnent les derniers chants et donnent le tempo. Le camp s'assoupit, et finit par rendre à la nuit son calme habituel.

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